Dans une tribune au « Monde », Franziska Brantner et Sven Giegold plaident pour un budget commun pour la zone euro et pour une alliance des parlements nationaux et européen.
Changeons l’Europe ensemble!
Franziska Brantner et Sven Giegold
L’Europe est un enjeu important dans cette campagne électorale française. Il y a des voix pro-européennes importantes avec des propositions concrètes pour le renouvellement de l’Union européenne – bien que beaucoup de voix anti-européennes très audibles caractérisent le son dominant des débats.
Le malaise sur l’Europe est lié aussi à la politique allemande. L’Allemagne en tant que principale puissance économique de l’Europe devrait initier les réformes nécessaires de l’Union européenne ensemble avec la France, ne serait-ce que dans son propre intérêt. Le gouvernement fédéral actuel s’y refuse depuis des années. Pourtant, aussi en Allemagne beaucoup souhaitent une meilleure Europe et sont en désaccord avec la politique menée par Mme Merkel et M. Schäuble. MM. Macron et Hamon, dans leurs programmes électoraux, ont fait des propositions pour une UE plus démocratique, solidaire, durable, et présenté des pistes d’avenir pour sortir de la crise de l’Euro.
L’Allemagne ne peut refuser ce nouveau débat sur le futur de l’Union qui émane de la campagne présidentielle française. Elle devrait au contraire accueillir positivement ces propositions. A travers cet appel, nous voulons nous saisir des propositions de nos amis français pour mettre en mouvement les réformes nécessaires aussi tôt que possible après les élections.
Nos propositions pour une réforme de la zone euro se structurent autour de trois axes principaux:
- Une alliance des parlements pour démocratiser la zone euro
Les mécanismes de sauvetage de l’Euro ont été créés en dehors des traités européens existants. Ils manquent ainsi tant de légitimité démocratique que d’un contrôle parlementaire efficace. Les parlements nationaux sont impliqués dans la gouvernance de la zone euro par leurs prérogatives vis-à-vis de leurs gouvernements nationaux.
Les parlementaires nationaux doivent travailler sur ces sujets sous une forte pression de temps. Ils ne débattent pas en commun avec des collègues de la zone euro, ni même avec les parlementaires des pays concernés. Il en résulte que les bonnes solutions européennes sont difficiles à identifier et à mettre en oeuvre. L’influence des parlements dans la politique de l’euro n’en est que diminuée et les gouvernements nationaux concentrent les pouvoirs alors même qu’ils sont toujours sous la pression à livrer des résultats aux opinions publiques nationales. Face à ce constat, nous proposons une alliance des parlements. Le mécanisme européen de stabilité (MES) doit être transformé dans un véritable Fonds monétaire européen placé sous le contrôle du Parlement européen. Mais nous voulons impliquer les députés nationaux étroitement dans les débats et les votes. Avant chaque vote important sur des crédits ou mémorandums, il doit y avoir un débat commun entre les députés nationaux et européens. Ceci est d’ores et déjà possible dans le cadre actuel du MES et devrait se faire sans délai. Nous souhaitons que les députés voient plus loin que le bout de leur nez et que, par exemple, un député allemand regarde droit dans les yeux son homologue grec, et un français son collègue irlandais.
- Un budget commun pour la zone euro
L’idée d’un budget commun pour la zone euro est portée par MM. Hamon et Macron. Nous soutenons l’idée en général et proposons que ce budget servira à investir dans les innovations communes, à soutenir les pays en situation critique et qu’il combatte les crises économiques.
Nous voulons que l’accès aux fonds de ce budget ne soit pas seulement soumis aux seuls critères de finance publique mais aussi à des critères sociaux: il s’agit d’atteindre la stabilité financière sans nourrir le dumping social et fiscal. Les investissements devaient soutenir en priorité des projets dans les régions „en décrochage“ et contribuer au développement d’une identité européenne chez les citoyens. Chaque citoyenne européenne et chaque citoyen européen devrait avoir la possibilité de bénéficier d’un séjour à dans un autre pays européen pour l’éducation ou la formation professionnelle et continue: un Erasmus pour tous!
Les infrastructures de transport en Europe se résument à un puzzle de pièces de réseaux ferroviaires. Pour que l’on puisse voyager à travers l’Europe de manière non polluante, agréable et rapide, nous voulons construire un véritable réseau ferroviaire européen. Nous avons besoin d’une culture de StartUp européenne dans le numérique et dans d’autres secteurs d’avenir pour encourager la protection des données personnelles et les innovations Made in Europe. Le déploiement des énergies renouvelables et celui du très haut débit partout en Europe devrait être soutenu par ce budget commun.
Pour le financement de ces projets d’avenir importants, nous soutenons la demande de MM. Macron et Hamon d’un taux minimum commun pour l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Ce serait aussi un grand pas dans la lutte contre le dumping fiscal en Europe.
- Renforcer la cohésion sociale
L’Europe doit garantir un minimum de droits sociaux à chaque citoyenne européenne et à chaque citoyen européen, et des standards communs pour l’accès à l’éducation, à l’assurance-maladie et assurance chômage et un salaire minimum en relation avec le niveau de vie.
Les normes européennes ne peuvent pas passer par pertes et profits des traités de commerce avec des pays tiers. Nous voulons pour cela transformer la politique commerciale de l’UE. Les accords commerciaux que nous souhaitons conclure combattront le dumping social et fiscal au niveau global. Ils contiendront des clauses sociales et environnementales obligatoires pour promouvoir le commerce de produits durables et équitables. Et si un partenaire venait à contrevenir à ces normes, des sanctions suivront. Afin d’assurer le contrôle du respect de ces normes, nous soutenons l’idée une surveillance commerciale européenne.
Les propositions de réforme que nous esquissons ici répondent aussi aux aspirations des milliers de citoyens qui manifestent chaque dimanche pour l’Europe, autour du mouvement ‚Pulse of Europe‘. Ce mouvement pro-européen a commencé en Allemagne et s’est depuis répandu rapidement dans notre pays voisin et dans un total de onze pays. Une des images fortes restera le défilé sur le „pont des deux bords“ qui lie Kehl dans le Baden-Württemberg à Strasbourg du côté français: 2000 Français et Allemands ont manifesté en commun pour l’Europe.
Leur demande d’une Europe meilleure et plus forte doit être entendue, et c’est le sens de nos propositions. Justement si les citoyens français se décident pour l’Europe et contre l’isolement, nous aurons plus que jamais besoin d’un mouvement dans les rues pour pousser les gouvernements à utiliser cette nouvelle marge de manoeuvre pour une telle Europe.
Notre proposition s’adresse aussi aux Allemands – pour aller dans le sens d’une politique européenne plus courageuse et qui ne s’attire pas la colère des autres au travers d’une politique bornée d’austérité, mais prenne en compte les idées de réforme émergeant de la France et devienne ensemble avec la France un précurseur et pionnier d’un tournant positif pour l’Europe. En Europe, on avance en alliance. L’ unilatéral mène droit dans le mur. Notre proposition est donc une petite pierre à l’édifice d’une politique européenne qui émane des citoyens, soit construite avec les citoyens et pour les citoyens – pour une Europe future des citoyens. Nous aimerions réagir à leur demande et entamer le chemin ensemble avec nos partenaires et amis français.