Dans une lettre datée du 2 septembre 2013, les ministres de l’économie Pierre Moscovici et Wolfgang Schaüble enjoignaient le Commissaire européen en charge des marchés financiers, Michel Barnier, d’agir vite et fort pour réguler la quantité grandissante de crédit géré en dehors du système bancaire classique. Pour une fois que ces deux gouvernements ne se contentent pas de défendre quelques intérêts industriels contre l’intérêt général, il est utile de les entendre.
Comme des banques, mais sans la régulation…
Et pour cause, ce que l’on appelle généralement le „shadow banking“ désigne des entités qui agissent comme des banques sans avoir à en respecter la régulation. Concurrentes déloyales et opaques, elles mettent en danger l’ensemble de l’économie mondiale.
Les Fonds monétaires à valeur constante sont au cœur des inquiétudes. Leur potentiel en matière de risque systémique a été confirmé à plusieurs reprises. Durant la crise de 2007-2008, plusieurs de ces fonds ont subi des mouvements de paniques. Leur sauvetage et le maintien de la stabilité financière s’est fait au prix d’un large soutien des banques qui les avaient parrainées et, aux États-Unis, du soutien du trésor public.
Une illusion comptable
Derrière les termes techniques, se cache la promesse faite aux investisseurs d’une valeur de remboursement constante, offrant ainsi l’apparence d’un dépôt bancaire classique, alors même que la valeur des actifs détenus par ces fonds évolue au grès des marchés. En cas d’instabilité, cette illusion comptable créé de fait un avantage au premier à fuir le fond, laissant les investisseurs restant le soin d’essuyer l’intégralité des pertes en l’absence de soutien externe. L’apparente constance ne reflétant pas la réalité mouvante du marché, c’est tout un secteur qui peut basculer dans la panique.
500 milliards d’euros
Ce marché représente près de 500 milliards d’euros en Europe. Pour mettre fin au risque systémique, les institutions internationales de surveillance de la stabilité financière ont instamment recommandé de convertir ces fonds à valeur constante en fonds à valeur variable. Cette mesure de bon sens, soutenue par le G20, n’avait déjà pas été suivie par la Commission Européenne qui à la conversion avait préféré instaurer une obligation bancale de réserve liquidative à hauteur de 3% des actifs.
Une directive dénaturée
Lors du premier vote en Commission Affaires économiques du Parlement Européen, la rapportrice socialiste britannique, encouragée par l’industrie financière et soutenue par une majorité de socialistes (sauf les membres PS et SPD), libéraux et conservateurs, a dénaturé un peu plus le projet de directive. Elle créé trois catégories de fonds monétaires à valeurs constantes dont une seule serait soumise à conversion. Et encore, sous cinq ans, soit au moins trois années de trop si l’on s’en tient aux recommandations des instances internationales.
Surtout, lors du vote final en session plénière du Parlement européen qui aura lieu le 29 avril prochain, le pire est encore possible. En effet, le chef de file du groupe PPE, celui des eurodéputés UMP et CDU/CSU a confirmé son opposition à la conversion à terme de la troisième catégorie de fonds, faisant de l’Europe un paradis du shadow banking.
Mettre fin à un risque non négligeable
Le vote peut cependant encore basculer dans le bon sens. Les écologistes ont déposé un dernier amendement proposant la conversion de l’ensemble des fonds monétaires à valeur constante. S’il venait à être voté, il redonnerait à l’Europe un rôle moteur dans la régulation du shadow banking. Surtout, il mettrait fin à un risque non négligeable pour nos économies.
Les députés européens français et allemands notamment, rarement avares en discours fermes en matière de régulation bancaire peuvent choisir d’entendre nos arguments et ceux de leurs gouvernements pour renforcer la stabilité du système financier de notre continent.“