Sven Giegold

Interview mit Le Temps (Schweiz):
«Je ne suis pas optimiste sur la fiscalité des multinationales»

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«Je ne suis pas optimiste sur la fiscalité des multinationales»

Ram Etwareea.

Sven Giegold, député vert allemand, analyse les récentes décisions du G7, du G20 et de l’UE. Les accords de type Rubik ne mettraient pas fin au secret bancaire suisse, dit-il

Né en 1969, Sven Giegold a été élu au Parlement européen en 2009 sous la bannière des Verts allemands. Membre de la Commission des Affaires économiques et monétaires et l’un des deux ­rapporteurs du comité qui a créé le Mécanisme unique de supervision bancaire dans la zone euro, il est qualifié de politicien influent. Fondateur d’Attac (Allemagne) en 2000, il a été de toutes les reven­dications pour rendre la finance mondiale plus responsable. Il est un interlocuteur privilégié pour commenter les nombreuses mesures prises dans le domaine fiscal ces derniers mois par les Etats.

Le Temps: Le G20 vient d’empoigner le problème de l’érosion de la base fiscale des multinationales et du transfert des bénéfices. Etes-vous satisfait?

Sven Giegold: Le plan d’action présenté il y a une semaine par l’OCDE aux ministres des Finances du G20 est un pas dans la bonne direction. Il ne s’agit toutefois pas d’une liste de mesures à appliquer; il énumère simplement les domaines où il faudrait ouvrir des négociations. Je crains que cela ne prenne trop de temps. Je ne suis pas si optimiste sur la fiscalité des multinationales. Des pays qui les accueillent – les Pays-Bas, la Suisse ou l’Autriche – pourraient freiner le mouvement.

– A-t-on vraiment les moyens de réguler le transfert des prix, c’est-à-dire la pratique selon laquelle les filiales des multinationales effectuent des paiements entre elles pour réduire l’assiette fiscale?

– Plusieurs mesures sont en place, mais elles sont insuffisantes, notamment par rapport au paiement de la propriété intellectuelle et des intérêts à l’intérieur du même groupe. La dif­ficulté est que les pays sont souverains alors que les entreprises sont globales. Il faut des mesures globales. En Allemagne, j’ai trouvé inacceptable qu’Amazon, le vendeur en ligne de livres, ne paie qu’un impôt de 3 millions d’euros sur les sociétés sur un chiffre d’affaires de 8,7 milliards.

– Vous avez dénoncé des années durant le secret bancaire et la Suisse en particulier. Comment voyez-vous son évolution?

– La Suisse est un pays souverain et elle peut encore garder le secret bancaire pour ses citoyens. Nos revendications portaient surtout sur le fait que les banques suisses acceptaient de l’argent de la fraude et de l’évasion fiscales. La Suisse a maintenant compris qu’il n’y a pas de place pour des centres financiers qui tolèrent la criminalité économique.

– La Suisse a même pris l’initiative de signer des accords de type Rubik pour régler le problème…

– J’étais parmi ceux qui ont tout fait pour qu’un tel accord ne se fasse pas avec l’Allemagne. Rubik était une mauvaise idée dans la mesure où il permettait aux banques de continuer à accueillir de l’argent de façon anonyme. La Suisse a certes réussi à négocier un accord Rubik avec le Royaume-Uni et l’Autriche. Mais ces deux pays ne sont-ils pas aussi de paradis fiscaux?

– Nous sommes donc venus à l’échange automatique d’informations. Est-ce la solution?

– La solution idéale aurait été de l’introduire dans un cadre multilatéral et de façon volontaire. Quelque part, nous devons dire «Mon Dieu, protège l’Amérique» pour avoir, par le biais de Fatca, forcer le système d’échange automatique d’informations sur la Suisse et d’autres pays réfractaires comme le Luxembourg et l’Autriche. L’acceptation de l’échange automatique d’informations comme un modèle mondial est un grand progrès dans la lutte contre l’évasion. Il reste tout de même à transformer les bonnes intentions en acte.

– Qu’en est-il de la taxe sur les transactions financières?

– Onze pays ont décidé d’ouvrir les négociations sur les modalités pour appliquer une telle taxe. Mais on voit que deux pays notamment, la France et l’Italie, qui ont promis d’agir de façon exemplaire, reviennent en arrière. Ils devront répondre à la société civile qui a soutenu cette mesure. Je crains qu’en fin de compte cette taxe ne soit vidée de sa substance.

– Vous avez été très actif sur le front du bonus des banquiers au sein du Parlement européen…

– Ce dossier a vraiment progressé. Le point de départ était de mettre fin à une culture de cupidité dans le secteur financier. Beaucoup de gens travaillent avec conviction et efficacité et touchent des salaires fixes, sauf les banquiers. La réglementation est en place en Europe qui limite les bonus au salaire fixe. Il reste à voir si cela fonctionne et aussi de l’étendre dans la gestion de fortune et dans les assurances.

– La société civile a évoqué la nécessité d’instituer une «organisation mondiale de la taxation». A quoi servirait-elle?

– Toutes les mesures prises ou en voie d’être élaborées vont dans la bonne direction. Avec la participation du G20, elles touchent 90% du produit intérieur brut mondial. Il n’empêche que les pays en développement sont exclus alors qu’ils sont tout aussi concernés par le transfert de prix, par l’évasion et la fraude fiscales. Une «Organisation mondiale de la taxation» sous l’égide de l’ONU mettrait tous les sujets liés au fisc sous un seul toit et couvrirait tout le monde.

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