Sven Giegold

70 députés européens demandent une taxe sur les transactions financières à la hauteur des enjeux

Cet appel a été publié ici: https://www.euractiv.fr/section/avenir-de-l-ue/opinion/70-deputes-europeens-demandent-une-taxe-sur-les-transactions-financieres-a-la-hauteur-des-enjeux/

 

La taxe sur les transactions financières (TTF) figure parmi les mesures mises en avant par la présidence allemande de l’UE afin de financer la lutte contre le coronavirus et ses conséquences.

En avril, la chancelière Angela Merkel déclarait que la présidence allemande de l’Union européenne serait « clairement dominée par la lutte contre la pandémie et ses conséquences ». Parmi les mesures avancées pour aider à financer cette lutte figurait la taxe sur les transactions financières (TTF), confirmée dans le programme de la présidence lancée le 1er juillet.

En surface, une contribution plus importante de la part du secteur financier dans le contexte actuel est clairement la bienvenue. Mais à y regarder de plus près, le montant proposé de cette contribution soulève des questions. Des enquêtes récentes auprès des ministères des Finances d’Allemagne et de France – qui, depuis le début, dominent les négociations pour un accord sur la TTF européenne – révèlent que les discussions en cours ne prennent absolument pas en compte les dépenses supplémentaires massives liées au COVID-19.

Malgré les propos de Mme Merkel, la très faible proposition faite l’automne dernier, qui permettrait de lever moins de 4 milliards d’euros par an dans 10 pays de l’UE, reste le seul arrangement en cours de discussion. Il semble pourtant invraisemblable de continuer ces négociations comme si la situation était la même, alors que nous devrions adapter notre réponse à l’ampleur de la crise à laquelle nous sommes confrontés. Étant donné les montants nécessaires pour financer la lutte contre le COVID-19 et ses conséquences économiques, lever quelques milliards de dollars grâce à la TTF, quand on connait son potentiel, serait tout simplement risible.

Soyons clairs. Le problème n’est pas la TTF en soi. Taxer les transactions financières, principalement faites par les entreprises et les particuliers les plus riches, afin d’en redistribuer les revenus pour couvrir les besoins nationaux et internationaux est une mesure populaire depuis bien longtemps et attendue depuis un long moment. En 2012 déjà, les députés européens votaient massivement en faveur d’une TTF européenne. À l’époque, l’idée était que tous les marchés, tous les acteurs et tous les produits financiers soient soumis à cette taxe. Cependant, au cours des dernières années, le lobby financier a réussi à étouffer petit à petit ce projet. Plus particulièrement, il a réussi à l’affaiblir considérablement en faisant supprimer les transactions sur les produits dérivés de l’assiette fiscale. La suppression de cette seule classe d’actifs réduirait la majeure partie des revenus et détruirait les effets réglementaires qui en découlent, pensés pour inciter les acteurs financiers à investir à plus long terme.

Mais il y a quelques semaines, une lueur d’espoir est apparue en provenance d’Italie, pays qui a déjà une TTF, bien que très faible, votée en 2013. Or, la filiale italienne de la banque française la Société Générale a tenté de se soustraire au paiement de cette TTF sur ses activités de produits dérivés, en assignant l’Agence italienne des revenus en justice. L’affaire a finalement abouti devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui vient de rejeter l’argument de la Société Générale sur l’incompatibilité de la TTF italienne avec les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux et des services. Cet important résultat crée un précédent juridique qui dissipe les doutes sur les questions d’extra-territorialité en matière de fiscalité des produits dérivés. Il ouvre ainsi la voie à un accord sur la TTF plus ambitieux qui pourrait rapporter plusieurs dizaines de milliards d’euros tous les ans. C’est pour cet accord sur la TTF que nous devons nous battre, car il pourrait faire toute la différence. Accompagnés d’autres mesures progressistes, comme la répression de l’évasion fiscale des entreprises, les fonds nécessaires pourraient être générés pour mieux reconstruire et créer, pour demain, un futur plus durable et plus vert.

C’est pourquoi aujourd’hui, nous unissons nos voix pour interpeller l’Allemagne et la France sur leur manque d’ambition. Sans équivoque, nous leur disons que l’accord actuel sur la TTF n’est tout simplement pas suffisant. Il ne l’a jamais été, mais en cette période de coronavirus, une réponse aussi faible n’est tout simplement pas à la hauteur de la tâche à accomplir, et ne pourrait être considérée que comme un manque flagrant de leadership. Cette décision de la CJUE n’aurait pas pu arriver à un meilleur moment. Ensemble, nous exhortons l’Allemagne et la France à saisir cette occasion pour repenser leur proposition à la lumière de ce résultat juridique, et les États membres impliqués dans les négociations sur la TTF (comme l’Italie, l’Espagne et le Portugal) à travailler de concert pour remettre les produits dérivés sur la table des négociations. Pendant la présidence allemande de l’UE, la chancelière Merkel a la possibilité de réaliser une TTF plus ambitieuse dont l’Europe, et le monde entier, bénéficieront.

Signataires :

Verts/ALE : Sven Giegold – Allemagne. Michael Bloss – Allemagne. Jutta Paulus – Allemagne. Terry Reintke – Allemagne. Niklas Nienass – Allemagne. Rasmus Andresen – Allemagne. Katrin Langensiepen – Allemagne. Reinhard Bütikofer – Allemagne. Daniel Freund – Allemagne. Damian Boeselager – Allemagne. Anna Cavazzini – Allemagne. Alexandra Geese – Allemagne. Erik Marquardt – Allemagne. Henrike Hahn – Allemagne. Damien Carême – France. Mounir Satouri – France. Karima Delli – France. Marie Toussaint – France. Benoît Biteau – France. David Cormand – France. Ville Niinisto – Finlande. Heidi Hautala – FinlandeAlviina Alametsä – Finlande. Philippe Lamberts – Belgique. Ernest Urtasun – Espagne. Kira Marie Peter-Hansen – Danemark. Stasys Jakeliūnas – Lituanie. Monika Vana – Autriche. Pär Holmgren – Suède. Alice Kuhnke – Suède. Jakop Dalunde – Suède. Bas Eickhout – Pays-Bas. Francisco Guerreiro – Portugal. Grace O’Sullivan – Irlande. Ciaran Cuffe – Irlande.

S&D : Dietmar Köster – Allemagne. Aurore Lalucq – France. Pierre Larrouturou – France. Raphael Glucksmann – France. Eric Andrieu – France. Brando Benifei – Italie. Franco Roberti – Italie. Massimiliano Smeriglio – Italie. Pierfrancesco Majorino – Italie. Elisabetta Gualmini – Italie. Patrizia Toia – Italie. Giuseppina Picierno – Italie. Pietro Bartolo – Italie. Giuseppe Ferrandino – Italie. Iban García del Blanco – Espagne. Tanja Fajon – Slovénie. Milan Brglez – Slovénie. Marie Arena – Belgique. Marc Tarabella – Belgique.

PPE : Markus Pieper – Allemagne.

GUE/NGL : Manon Aubry – France. Helmut Scholz – Allemagne. Martin Schirdewan – Allemagne. Martina Michels – Allemagne. Özlem Demirel – Allemagne. José Gusmão – Portugal.

Renew Europe : Pascal Durand – France. Sandro Gozi – France. Dr. Klemen Groselj – Slovénie.

NI (Non-Inscrits) : Fabio Massimo Castaldo – Italie. Tiziana Beghin – Italie. Eleonora Evi –Italie. Piernicola Pedicini – Italie. Mario Furore – Italie. Dino Giarrusso – Italie.